Double-cliquez ici pour


 

.

ajouter votre propre texte.

   



Le potier Moses Farrar de Saint-Jean ‘’Lower Canada’’


     Jean-Pierre Dion                17 janvier 2023



 Un ami collectionneur et antiquaire me demandait, il y a une dizaine  d’années, si les cruches marquées L. C. (pour Lower Canada) dataient  nécessairement d’avant 1841. Quelques rarissimes contenants en  grès salin insculpés MOSES FARRAR / St. Johns / L. C. circulaient auprès de collectionneurs. Nous revenons sur cette question en rappelant la chronologie des poteries des Farrar à Saint-Jean et l’usage des mots Lower Canada même après l’Acte d’Union.



Marque sur une jarre illustrée dans le Céramag no 15, 2017, provenant de la Collection Nabil Bedjaoui. Photo J. B. Dion.



Chronologie des poteries des Farrar par Lambart


Déjà en 1970, l’éminente chercheure Helen Lambart publiait une réponse à cette question dans Two Centuries of Ceramics in the Richelieu Valley, Publications in History no 1, National Museums of Canada. La même brochure fut traduite en français en 1975. Ayant fait une étude exhaustive et attentive des contrats notariés impliquant les Farrar, Lambart avait pu établir la chronologie de leurs diverses poteries de Saint-Jean et d’Iberville. Elle décrivait notamment celle de Moses Farrar et Isaac N. Soule (1840-1848), puis celle de Moses Farrar et Warren H. Soule (1848-1852) et celle de Moses Farrar (1852-1854).  Notons ici que si Farrar & Soule ont bien acheté des terrains les 17 et 19 octobre 1840, et érigé par la suite un atelier de poterie, la production n’a probablement pas commencé avant 1841, comme en fait foi une publicité des Farrar de 1926 (Webster, 1971, p.159).


Moses Farrar St Johns L. C.


À propos de Moses Farrar, Lambart précisait, en p. 4 (1975) :

‘’Entre temps, moins de trois semaines après la fin de l’association de Farrar et Soule en 1852, Moses Farrar avait ouvert une fabrique indépendante à côté de sa maison de brique, à l’angle des rues Partition et Grant. C’est là que, de 1852 à 1854, il produisit ses pièces Moses Farrar / St. Johns / L. C.’’


Il ne fait pas de doute que Moses Farrar a bien établi en 1852 une poterie à son nom seul à Saint-Jean, poterie qu’il a opérée jusqu’en 1854. C’est uniquement à cette période que Moses Farrar possédait à Saint-Jean une poterie à son nom seul. Avant, il avait un Soule comme associé et on trouve alors des cruches marquées FARRAR & SOULE. Après, il aura E. L. Farrar comme associé et les cruches de cette association portent l’inscription E L & M FARRAR (Voir l’article du Céramag 15, 2017, p. 7-19 pour plus de détails sur les diverses marques de chaque période).



Marque sur une cruche illustrée dans le Céramag no 15, 2017, provenant de la Collection Nabil Bedjaoui. Photo J. B. Dion.



Marque sur une jarre à glaçure d’Albany illustrée dans le Céramag no 19, 2022 et provenant de la Collection J. B. Dion et J.-P. Dion, photo J. B. Dion.


Les mots Lower Canada sont utilisés pour des projets de lois et rapports du gouvernement en 1852 (The Montreal Gazette, 23 septembre 1852).

Statistiques des populations et des terres agricoles pour Lower Canada et Upper Canada au recensement de 1851 (The Montreal Gazette, 12 mai 1853).

Une loi pour l’incorporation de Bytown (Ottawa) est votée alors que l’on craignait l’opposition des ministres de Lower Canada (The Montreal Gazette, 4 décembre 1854)

Conclusion


La chronologie des divers ateliers des potiers Farrar de Saint-Jean et Iberville est maintenant bien établie, grâce aux recherches de Lambart et de Fortin que complètent les articles récents parus dans Céramag no 15, 2017, p. 7-19 et Céramag no 19, 2022 p. 47-53.


On sait notamment que Moses Farrar a opéré à son nom seul un atelier de poterie à Saint-Jean uniquement de 1852 à 1854. Pour cette raison, on attribue à cette période les contenants de grès portant son nom seul, incluant les rarissimes cruches ou jarres marquées Moses Farrar / St. Johns / L. C. ou Moses Farrar / St. Johns / C. E.


Nous avons enfin rappelé, preuve à l’appui, que les mots Lower Canada (ou LC) étaient couramment utilisés en 1852-1854, la période de production de l’atelier de Moses Farrar à Saint-Jean.



 

ll apparait donc raisonnable et logique de conclure, comme le fait Lambart, que les cruches et jarres portant le nom de Moses Farrar seul se rapportent à cette période de 1852-1854. Cela inclut les contenants insculpés Moses Farrar / St. Johns / L. C., Moses Farrar / St. Johns /C. E. et celles marquées Moses Farrar / St. Johns ou simplement Moses Farrar.


Étude de Réal Fortin


L’étude classique de l’historien Réal Fortin : Poterie et Vaisselle / Saint-Jean et Iberville, Ed. Mille Roches, Saint-Jean (1982) reprend, en la confirmant, cette séquence de poteries des Farrar. En effet Fortin a eu accès non seulement à ces contrats notariés, mais aussi aux décisions du conseil municipal de Saint-Jean de l’époque, aux rôles d’évaluation ainsi qu’au journaux de Saint-Jean de cette période.


Concernant la poterie Farrar et Soule, il affirme (p. 13) que ‘’les premiers contenants de grès fabriqués au Canada étaient marqués FARRAR & SOULE / ST. JOHNS…datant de 1841-1852’’. Il met en garde les collectionneurs contre l’erreur répandue que les contenants signés Moses Farrar seraient les plus anciens de Saint-Jean (p. 34).


Usage des mots Lower Canada après 1840


L’ami collectionneur qui posait cette question pensait que l’appellation Lower Canada (L C) avait cessé d’être utilisée à partir de 1841. On sait qu’en février 1841 l’Acte d’Union prenait effet, réunissant le Haut Canada et le Bas Canada sous une nouvelle entité politique La Province du Canada. Nous avons discuté de l’usage du nom Lower Canada durant les années 1850-1867 dans notre article paru dans le Céramag 15, 2017, p. 7-19 sous le titre ‘’Les potiers Moses Farrar et Ebenezer L Farrar et leur lien de parenté’’.

En effet, on a cru, à tort, que l’usage des lettres L. C. était périmé à partir de 1841, pour faire place uniquement au mot Canada East (une subdivision de la Province du Canada) ou son abréviation C. E.


Or, le 25 avril 1849, le gouvernement redonne un statut officiel et légal à ce nom de Lower Canada, et ce, jusqu’en 1867. ‘’The words Lower Canada shall mean all that part of this Province (that is, the United Province of Canada) which formerly constituted the Province of Lower Canada.’’ (Statutes of Canada, 12 Vict., c. 10, s. V.)


Durant cette période, les journaux foisonnent de références au mot Lower Canada, les actes notariés et les lois du parlement utilisent couramment cette appellation. À titre d’exemples, voici quelques extraits, parmi des milliers de références à Lower Canada, de journaux des années 1852-1854, la période ou Moses Farrar tenait son atelier à Saint-Jean sous son nom seul.