BOXER BROS & CO MONTRÉAL

Jacqueline Beaudry Dion et Jean-Pierre Dion                 10 Août 2024

                                                

Collard (Nineteenth-Century Pottery and Porcelain in Canada, 1967, 1984) consacre un chapitre important aux importateurs canadiens de vaisselle anglaise, s’intéressant brièvement à la firme montréalaise Boxer Bros. & Co., (1984, p. 95). Voici quelques pièces marquées ‘’Manufactured for Boxer Bros & Co, Montreal ‘’ accompagnées d’informations nouvelles et précisions sur cette firme peu connue et ses opérations.

Successeurs de John Watson & Co


La firme montréalaise de John Watson & Co., importateurs de céramique, de verre et autres, existait depuis 27 ans quand le 2 mars 1885 elle fut achetée par Boxer Bros. & Co.  Ces derniers ont poursuivi les activités de la firme précédente au même lieu, soit les 92 et 94, rue des Sœurs Grises, Montréal.


En ce même jour du 2 mars 1885, Fred W. Boxer, Robert J. Boxer et Sidney S. Boxer se sont associés sous le nom et la raison sociale de Boxer Bros. & Co.

Annonce de la vente de John Watson & Co et de l’association de Boxer Bros & Co., parue dans The Gazette du 18 avril 1885. La même annonce avait paru la veille.

Fred W. Boxer (1848-1935) était un homme d’affaire d’expérience, ayant été gérant de la North American Rubber Company de Québec et de la Canadian Rubber Company de Montréal avant de fonder la firme Boxer Bros & Co. (Voir son avis de décès dans The Gazette du 19 janvier 1935).

 

A sa fondation, la firme entrait en compétition avec d’autres marchands de Montréal comme Douglas & McNiece et J. L. Cassidy (Voir l’annonce de The Gazette du 25 avril 1885, ci-dessous).


Boxer Bros. & Co. fera de nombreuses annonces publicitaires par la suite, soulignant fièrement qu’ils sont les successeurs de la firme réputée John Watson & Co. En voici une tirée de The Gazette du 16 avril 1886 qui décrit leurs sujets d’importation : faïence, poterie, verre, lampes.

Pour le temps des Fêtes de 1886, Boxer Bros & Co annonce en vente des ensembles de vaisselle pour la table, des services à thé et des ensembles de toilette pour la chambre. On y apprend aussi que l’un des partenaires visite régulièrement l’Angleterre et le continent pour sélectionner les meilleures productions.

Annonce de The Gazette du 26 décembre 1886.

En avril 1886, A. S. Boxer, de la firme Boxer Bros & Co, décède. (Voir The Gazette du 26 avril 1886).



Staffordshire Hall


La firme est particulièrement active et prospère en 1887. Dans une annonce de mars 1887, elle mentionne encore son entrepôt de la rue des Sœurs Grises à Montréal mais évoque aussi Hanley et Glasgow, d’où elle importe de la faïence et autres poteries.

Annonce de The Gazette, 31 mars 1887


Devant les succès de la firme, on ouvre le majestueux Staffordshire Hall, rue Ste Catherine, au coin de Metcalfe. Le 7 mai 1887, Boxer Bros. & Co. clament fièrement que le Staffordshire Hall, the New China and Crockery Store est maintenant ouvert.  À son ouverture, des centaines de clients s’y précipitent et la presse du 9 mai 1887, qui rapporte cette statistique, fait état de ce luxueux établissement, ‘’ the palace store of Montreal’’, ou l’on trouve Faïence et Poterie en provenance du Stafford-shire. En ce 9 mai 1887, The Montreal Daily Star annonce de la vaisselle commémorative du jubilée de la Reine, dont un service à thé de 44 morceaux au prix de 8 $ seulement.  

 



Le sucrier ci-dessous faisait probablement partie de cet ensemble. Il a été produit par R. H. Plant de Longton, Staffordshire, expressément pour Boxer Bros & Co à l’occasion du jubilée de la Reine. On trouve cette rare inscription MANUFACTURED / EXPRESSLY FOR / BOXER BROS & CO / MONTREAL. Le sucrier a en relief le populaire motif Cable avec anneau (Cable and Ring) et la photo de la Reine a sans doute été reproduite avec la permission de A. Bassano, le photographe attitré de la Reine.


Photo de la collection du Musée canadien de la Civilisation, Cat. No 980.111.326a-b. Base Illustrée aussi dans Collard (1984, planche 87)

On décrit ainsi le riche décor du Staffordshire Hall : bois d’acajou, miroirs d’Angleterre, vitrines remplies des dernières créations d’Angleterre, France, Allemagne et États-Unis, en matière de faïence et poterie, en verre, en métal plaqué argent, sélectionnées par un des membres de la firme lors de ses voyages. (The Montreal Daily Star, 9 mai 1887, p. 3).

Collard mentionne l’année 1886 pour l’ouverture du Staffordshire Hall. Mais la publicité de la firme en 1886 ne fait aucune mention du Staffordshire Hall, seulement de l’entrepôt de vente au 92-94 Rue des Sœurs Grises. Il en est de même pour l’annonce du 31 mars 1887 reproduite ci-haut.

Nous avons établi clairement que le Staffordshire Hall n’ouvre ses portes qu’en mai 1887.


 

A ses débuts, Staffordshire Hall porte l’adresse civique 1398 rue Ste-Catherine, mais rapidement on trouve l’adresse de 2348 et 2350 Ste-Catherine. (Voir The Montreal Star, 7 mai et 27 juin 1887)


Manufactured for Boxer Bros & Co.


Boxer Bros & Co importent des produits de divers fabricants de vaisselle, notamment de la faïence dite Ironstone ou White Granite au motif de Blé d’Alfred Meakin (Tunstall, Staffordshire). L’annonce du 14 juillet 1887 du Montreal Star en fait foi et confirme également l’arrivée de théières anglaises à glaçure Rockingham.

On sait que la firme importe aussi en cette année des produits de Ridgways (Hanley), dont des services de table décorés en couleur et dorure. Voir Le Montreal Star du 24 novembre 1887.

John Dimmock, de Hanley, a obtenu un brevet pour une vaisselle au motif Warwick le 7 juin 1880. Sans doute réédité quelques années plus tard à la demande de Boxer Bros & Co, un sucrier de notre collection de ce modèle porte l’inscription MANUFACTURED FOR / BOXER BROS & CO / MONTREAL et la marque du fabricant.

Brownfield and Son (Cobridge, Staffordshire) ont produit pour Boxer Bros & Co le modèle Sylvan, illustré dans un article d’Elizabeth Collard (The Gazette, 14 octobre 1961).

La firme, qui fait la promotion de son statut de Palace China Warehouse importe d’Angleterre et de France en septembre 1887, de magnifiques pièces de faïence et de porcelaine : vases et jardinières peintes à la main, ensemble à diner et services à thé, supports à fleurs, assiettes à dessert peintes à la main. On signale aussi le nouveau et délicat ensemble dit Cactus China, si populaire en ce moment en Angleterre. (The Montreal Star, 17 septembre 1887)

Boxer Bros & Co en difficulté


L’année 1888 s’annonce moins bonne pour Boxer Bros & Co qui suspend ses activités en début janvier, remet ses états financiers entre les mains d’un comptable, dévoilant des dettes de 60,000$ (Ottawa Daily Citizen, 7 janvier 1888). On trouve un arrangement financier quelques jours plus tard et les activités reprennent aussitôt (The Gazette 19 janvier, 1888).



La firme annonce dans la Gazette du 2 juin 1888 des ensembles de toilette, des porte-savons, des bols, des pichets décorés par décalcomanie, comme celui ci-dessous de notre collection qui porte bien la mention MANUFACTURED FOR / BOXER BROS & Co / MONTREAL.

On trouve peu de signes d’activités de la firme en 1889. Les difficultés financières s’aggravent. En fin 1889, Boxer Bros & Co cessent leurs opérations (jobbing busi-ness), confiant aux encanteurs Hicks & Co de Montréal le soin de liquider tout leur inventaire de faïence, poterie, verre et lampes en laiton. Cette vente de liquidation est prévue pour le 9 décembre 1889.  Voir ci-dessous l’annonce du Montreal Star, 7 décembre 1889.


Le lieu qu’ils occupent au 2348 Ste Catherine est mis en location en début d’année (The Gazette, 6 février, 1890).


La firme dissoute, son principal artisan, Fred W. Boxer, se retrouve en janvier -février 1891, au service de la maison Morgan qui s’apprête à quitter le bas de la ville (coin St-James et carré Victoria) pour établir son nouveau magasin, le Colonial House, sur Phillips Square. Boxer, qui est en voyage d’achats en Angleterre pour la maison Henry Morgan & Co, occupera à son retour le poste de surintendant de leur nouveau rayon de poterie et verre au Colonial House.

Annonce de la maison Morgan concernant leur employé et surintendant F. W. Boxer, parue dans le Montreal Star du 18 février 1891.

On ne sait si son engagement chez Morgan dure longtemps, mais en décembre 1891, Fred W. Boxer (seul) annonce encore la vente de poterie et faïence au Staffordshire Hall alors situé au 2230, rue Ste Catherine. (The Montreal Daily Star, 16 décembre 1891).



Conclusion


Nous avons pu apporter des compléments d’information sur cette firme méconnue, ses sources importations, ses succès et ses difficultés. Les pièces portant la mention Boxer Bros & Co ou celles d’autres marchands montréalais sont autant de témoins importants des activités commerciales visant à mettre à la disposition des gens d’ici les meilleures créations d’Angleterre et du continent. Il convient de les préserver et de les répertorier!